Après des attaques tous azimuts, Nicolas Sarkozy et l’UMP stigmatisent familles et enfants et ignorent le droit pénal français, à l'opposé des valeurs de Ségolène Royal

Publié le par DA Paris 15

 Sarko Grenoble

Nicolas Sarkozy lors de son discours à Grenoble vendredi 30 juillet 2010

Nicolas Sarkozy poursuit son offensive par un volet répressif dirigé contre les familles et les mineurs – surtout les plus défavorisés – dossier que Ségolène Royal connaît bien. Il a reçu aujourd’hui le soutien des troupes UMP qui préparent déjà la rentrée parlementaire. Sans grande surprise, le Front National sert toujours de modèle à M. Sarkozy. Les mesures annoncées vendredi 30 juillet à Grenoble par Nicolas Sarkozy concernant les familles et les mineurs ont porté principalement sur deux thèmes : la responsabilité pénale, et non plus seulement civile, des parents d’enfants commettant des infractions ; et la suspension des versements d’allocations familiales aux parents d’enfants n’allant pas à l’école.

Premier thème : la responsabilité pénale des parents d’enfants commettant des infractions 

« Je souhaite que la responsabilité des parents soit mise en cause lorsque des mineurs commettent des infractions. Les parents manifestement négligents pourront voir leur responsabilité engagée sur le plan pénal. Quand je regarde les rapports de police, et je vois qu’un mineur de 12 ans ou de 13 ans à une heure du matin, dans le quartier d’une ville, lance des cocktails Molotov sur un bus qui passe, n’y a-t-il pas un problème de responsabilité des parents ? »

Cette mesure est une mesure présente dans l’hebdomadaire du Front National, National Hebdo, du 25 février au 3 mars 1999, dans l’article « Les 50 propositions du FN pour une France plus sûre » :

« 35) Poursuites contre les parents qui n’assurent pas leurs obligations parentales. Réforme de l’article 227-17 du Code pénal et systématisation de son emploi. »

Mais une telle mesure serait contraire au droit français. Les parents peuvent être condamnés civilement pour des délits commis par leurs enfants, mais pas pénalement, car le droit pénal français repose sur la volonté de faire, l’intention, dont le principe même s’oppose au fait de porter la responsabilité juridique d’un tiers : dans le Code pénal :

« Article 121-1

Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait.

Article 121-3

Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre. »

Cependant, hier soir Le Monde a annoncé la parution, dans le Journal du Dimanche d’aujourd’hui, d’une interview d’Eric Ciotti, député UMP et président du Conseil général des Alpes-Maritimes, « qui tend à devenir le ‘M. Sécurité’ de l’UMP » selon Le Monde. Cet entretien montre que l’UMP agit vite : 24h après les annonces de Nicolas Sarkozy à Grenoble, M. Ciotti annonce une proposition de loi :

« Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende le fait par le père ou par la mère de laisser son enfant mineur, lorsque celui-ci a été poursuivi ou condamné pour une infraction, violer les interdictions et les obligations auxquelles il est soumis. »

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Eric Ciotti (AFP/Mehd Fedouach)

M. Ciotti précise qu’il souhaite que « systématiquement, en cas de condamnation d’un mineur, le magistrat mette en place un plan de probation sous la responsabilité » des parents. Des interdictions seront notifiées au jeune, comme l’interdiction de fréquenter certains lieux ou certaines personnes, des obligations également, notamment en termes de résultats scolaires. Incarcérer les parents d’un enfant pour mauvaises notes de ce dernier, il fallait y penser, l’UMP l’a fait !

De fait M. Ciotti épouse carrément la totalité de la proposition 35 du Front National (National Hebdo, février-mars 1999), et va même plus loin, car il ne propose pas de « peine d’intérêt général », en proposant d’insérer « le fait de violer les obligations ou interdictions auxquelles [le jeune] est soumis par une décision de justice » aux cas de sanction de l’article 227-17 du Code pénal. National Hebdo ajoutait, en 1999, à la première partie de sa proposition 35 déjà mentionnée :

« L'article 227-17 serait modifié comme suit : ‘ Le fait pour toute personne disposant de l'autorité parentale ou de la garde de l'enfant de se soustraire à ses obligations au point de compromettre gravement la santé, la sécurité, la moralité, ou l'éducation du mineur ou de ne pas remédier à sa délinquance notoire est puni d'une peine de deux ans de prison et de [30 000 euros] d'amende ou d'une peine de travail d'intérêt général.’ »

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La justice est parfois injuste pour les plus démunis et contreproductive : pour le protéger, elle pendit la mère de Jean-Baptiste Grenouille, le laissant seul au monde, et permettant l'histoire d'un meurtrier (Le Parfum, film de tom Tykwer, d'après le roman de Patrick Süskind)

Bien sûr, outre le fait que dans un même article de code seraient mélangés des éléments de la responsabilité des parents, et un autre de la seule responsabilité pénale du jeune délinquant (« sa délinquance notoire »), cette mesure serait totalement contreproductive. Un enfant commet des délits, on le prive de ses parents, emprisonnés, et de ressources pour la famille (amende représentant plus de deux ans de revenus d’une personne touchant le SMIC, salaires des parents qui cessent d’être versés du fait de leur emprisonnement, …), et on pense que ça va faire sortir le jeune de la délinquance ? M. Sarkozy et M. Ciotti doivent être bien naïfs, ignorants, ou cyniques.

M. Ciotti a ajouté :

« On ne peut pas éternellement s’abriter derrière l’excuse sociale ou de faiblesse pour ne pas agir. Nous ne soulevons pas un problème social mais un problème de valeurs. »

Ségolène Royal, qui ne s’est pas encore exprimée sur cette proposition de loi à l’heure de parution de cet article, est, rappelons-le, dans le domaine de la responsabilité parentale (absentéisme scolaire notamment) pour des mesures intelligentes, adaptées à la situation et efficaces, et qui protègent les plus démunis. Ordre juste et fraternité. Tout le contraire de la proposition de loi de M. Ciotti, qui allie répression aveugle (un plan de probation « systématiquement ») et discrimination de fait envers les plus démunis (familles monoparentales, familles qui vivent dans le chômage et la précarité dans des quartiers où l’Etat n’assure plus la sécurité, …)

Deuxième thème : la suspension des versements d’allocations familiales aux parents d’enfants n’allant pas à l’école

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« De même la question des allocations familiales. Quand une famille ne signale pas que son enfant ne va plus à l’école, est-ce que cette famille peut continuer d’aller au bureau de la caisse des allocations familiales pour percevoir les allocations, comme s’il ne s’était rien passé ? Je comprends parfaitement que telle ou telle mère de famille, notamment dans les familles monoparentales, soit dépassée. C’est si difficile d’élever des enfants. Mais je ne comprends pas qu’on ne le signale pas au chef d’établissement. Et quand la famille réagira, les allocations familiales qui ne lui auront pas été versée lui seront reversées quand l’enfant ira de nouveau à l’école. »

Cette mesure de suspension des allocations des allocations familiales existe déjà depuis 2006, introduite par le ministre de l’Intérieur qu’était Nicolas Sarkozy, rappelait Najat Vallaud-Belkacem sur son blog le 1er juillet 2010. La décision relevait des Conseils généraux, et en 4 ans aucun Conseil général n’a jamais décidé de suspension, qu’ils soient de droite ou de gauche, tellement la mesure ajoute un poids supplémentaire sur les épaules des plus démunis dans un contexte de crise.

famille

M. Ciotti, déjà lui, a fait voter un nouveau projet de loi fin juin 2010, d’où la réaction de Najat Vallaud Belkacem le 1er juillet. Ce projet de loi durcit la sanction : si un absentéisme répété est relevé, le directeur d’établissement saisit directement le directeur de la Caisse des allocations familiales, qui doit suspendre les versements d’allo cations ; la suspension est levée après un mois sans aucune absence injustifiée du jeune, et les allocations non versées le sont, sauf pour les mois où un absentéisme de 4,5 jours ou plus a été constaté.

Rappelons que la position de Ségolène Royal est, en cas d’absentéisme scolaire de l’enfant, de confier la gestion des allocations scolaires aux établissements scolaires, afin qu’elles servent à l’éducation du jeune (scolarité, cantine, …). C’est une mesure adaptée, réfléchie, efficace et qui ne stigmatise pas les familles les plus démunies.

Après le discours de Nicolas Sarkozy vendredi 30 juillet 2010 à Grenoble, l’UMP suit donc la voix de son maître, au pas de charge, et embrasse avec lui résolument les idées du Front National.

Noël Mamère constatait vendredi dernier :

« M. Le Pen et sa fille n’ont plus besoin de parler, la copie parle à leur place. »

Nicolas Sarkozy devrait faire attention : les électeurs du Front National ont toujours préféré l’original à la copie, surtout quand la "copie" n’a pas tenu les promesses faites en 2007.

Frédérick Moulin

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