Michelle Bachelet, nouvelle dirigeante d’ONU Femmes, soutenue en 2006 par Ségolène Royal au Chili, définit les grandes lignes de son action, loin de la médiatisation de Melinda Gates

Publié le par DA Paris 15

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Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon et Michelle Bachelet à Santiago, le 5 mars 2010 (AFP/Ignacio Iribarren)

Finalement, c’est elle, Michelle Bachelet, qui a été nommée le 14 septembre dernier à la tête de la nouvelle agence de l'ONU créée le 2 juillet 2010, ONU Femmes. Fin juillet encore, Madame Bachelet ne figurait pas sur la liste des noms qui circulaient, mais était déjà la favorite (voir l’article L’agence ONU Femmes créée début juillet 2010 est dotée de moyens insuffisants pour une mission de terrain très lourde).

Ce sont 26 candidates qui se sont déclarées, dont Michelle Bachelet, qui a été désignée au terme du processus à l’unanimité du panel des responsables consultés par le Secrétaire Général de l’ONU, Ban Ki-Moon. Michelle Bachelet, Chilienne, socialiste, médecin, dont les ancêtres était vigneron à Chassagne-Montrachet en Côte-d’Or, a été présidente du Chili de mars 2006 à mars 2010.

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Michelle Bachelet et Ségolène Royal en Janvier 2006 (photo : Patrick Bruchet)

En janvier 2006, Ségolène Royal était venue la soutenir lors du second tour de l’élection présidentielle. Le 15 janvier 2006, Madame Bachelet était élue présidente de la République chilienne, et devenait la première femme à être élue au suffrage universel à un poste de cette importance en Amérique du Sud. Dès le 30 janvier 2006, Michelle Bachelet appliquait une des promesses électorales faites au cours de la campagne et instaurait la parité au sein de son gouvernement en nommant ministres 10 femmes et 10 hommes.

Elle ne s’est pas représentée pour un second mandat aux dernières élections, et est restée très populaire dans son pays (« 70% d’opinions favorables » constate-t-elle). Elle sera, comme toutes les futures dirigeantes d’ONU Femmes, Secrétaire Générale adjointe de l’ONU, sous l’autorité directe Ban Ki-Moon, le Secrétaire Général, pour donner plus de poids politique à la fonction au sein de l’ONU. Ban Ki-Moon, dans son discours de nomination Michelle Bachelet, a salué son « habilité peu commune à créer le consensus et à attirer l’attention des autres agences de l’ONU et de nombreux partenaires à la fois dans le secteur public et dans le secteur privé ».

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C’est là où le bât blesse : ONU Femmes est doté d’un budget annuel de 500 millions de dollars, ce qui est à la fois beaucoup, car cela représente une très forte augmentation des moyens attribués par l’ONU à la cause des femmes ces dernières années, et très peu tant la tâche est immense et les effectifs réduits : 284 personnes contre 7 200 pour l’UNICEF, 3 334 pour le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement), et 900 pour Onusida. Dans l’Etat actuel de son budget, ONU Femmes ne pourra pas intervenir sur le terrain, à moins de s’appuyer sur les effectifs de l’UNICEF ou du PNUD, or la tâche est immense.

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Ban Ki-Moon est actuellement tout entier concentré sur la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le Développement. Pour les femmes, les efforts de Ban Ki-Moon portent actuellement surtout sur les objectifs n°4 (réduire la mortalité infantile) et 5 (améliorer la santé maternelle).  C’est le sens de la campagne actuelle de l’ONU « Une femme, un enfant », pour laquelle un engagement de 40 milliards de dollars (30 milliards d’euros) vient d’être  annoncé. En cette période de disette budgétaire des grands pays industrialisés, c’est là aussi que l’aide philanthropique, pour dire les choses d’une façon politiquement correcte, la charité des riches envers les pauvres, les faibles et les démunis, pour dire vrai, entre en jeu. Déjà, les fondations des plus grandes fortunes de la planète ont promis 3 milliards de dollars, dont la moitié provenant de la Fondation Bill & Melinda Gates.

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Melinda Gates , le 21 septembre 2010, à New York (AFP/Mario Tama)

« Bill et moi pensons qu'en cette période de récession où il est difficile pour les gouvernements de soutenir leurs efforts budgétaires, il est important de montrer que l'aide au développement peut être efficace. » plaide Melinda Gates.

« Le dynamisme des fondations crée une saine compétition avec les autres bailleurs. Leur façon de travailler oblige ces derniers à mettre à jour leurs méthodes et leurs approches. » se réjouit effrontément Robert Orr, Secrétaire Général adjoint des Nations Unies.

Objectif 3

C’est un peu vite oublier que la lutte contre les inégalités dont sont victimes les femmes ne se cantonne pas à la mortalité maternelle ou infantile, qui sont des problèmes graves, mais pas les seuls. L’objectif n°3, « promouvoir l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes », est par trop négligé dans cette affaire. Et c’est justement sur cet objectif que Michelle Bachelet veut, elle, faire porter ses efforts : « agir sur les conséquences de la crise » (emploi des femmes, chômage des femmes) et « lutter contre les violences faites aux femmes ». Rappelons que l’objectif n° 3 a un rôle central, un rôle d’intérêt général par rapport aux deux autres, il précise : « L’égalité des sexes, qui est inscrite dans les droits de l’homme, est au cœur de la réalisation des OMD. Sans elle, on ne pourra vaincre ni la faim, ni la pauvreté, ni la maladie. »

Bizarrement, Melinda Gates est beaucoup moins présente sur ce front, qui attire peu. Notons tout de même l’engagement de femmes comme Nicole Kidman, par exemple, nommée ambassadrice de l’Unifem en 2006, et qui apporte son soutien à la lutte contre la violence des femmes.

Et c’est là où tout ce qui a été dit dans les Ateliers de la Fête de la Fraternité 2010 à Arcueil prend toute son importance. Comme le disait Salim Abdelmadjid :

« L’Etat est le seul acteur suffisamment puissant qui tienne compte de l’intérêt général, à la différence des entreprises, des différents types de compagnies, des associations privées, qui tiennent compte, par définition, d’intérêts privés. »

Nous y reviendrons prochainement à l’occasion d’autres articles.

Frédérick Moulin

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24 septembre 2010

Michelle Bachelet (ONU Femmes) veut combattre les violences domestiques

Nommée le 14 septembre à la tête de l'ONU Femmes, Michelle Bachelet, ancienne présidente du Chili, va mettre la nouvelle institution en ordre de bataille d'ici à janvier 2011, date à partir de laquelle l'agence commencera à être opérationnelle. Dans le monde des ONG qui militaient depuis des années pour la création d'une agence " dédiée " aux femmes, rarement nomination aura été entourée d'une telle unanimité.

Dans l'entretien qu'elle a accordé au Monde, Madame Bachelet indique que ses priorités seront de combattre les violences domestiques et sexuelles, ainsi que de lutter contre les conséquences de la crise qui frappe sévèrement les femmes.

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Ban Ki-Moon, Secrétaire Général de l'ONU, lors de l'annonce de la nomination de Michelle Bachelet le 14 septembre 2010 ; à ses côtés Asha-Rose Migiro, Secrétaire générale adjointe (ONU/Paulo Filgueiras)

Ce faisant, elle manifeste sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) notamment ceux concernant la réduction de la mortalité infantile et la baisse de la mortalité maternelle qui viennent de bénéficier d'un programme de 40 milliards de dollars (29,9 milliards d'euros). À 59 ans, Michelle Bachelet, qui a mûrement réfléchi cet engagement sur la scène internationale, entend utiliser toute la notoriété que lui vaut sa position d'ancien chef d'Etat et de nouvelle secrétaire générale adjointe de l'ONU, qui la place haut dans la hiérarchie des Nations unies.

Quelles vont être vos priorités dans les prochains mois ?

Dans les trois mois à venir, nous allons travailler à rassembler et mettre en synergie les quatre entités - Le fonds de développement des Nations unies pour les femmes, l'Unifem, étant le plus important, NDLR - qui composent l'ONU femmes. Avec deux priorités en tête. La première sera de lutter contre les violences faites aux femmes, un champ qui n'est pas couvert par les OMD. Ce problème traverse toutes les sociétés sans exception : 70 % des femmes dans le monde subissent des violences domestiques. Nous allons oeuvrer en particulier à réduire l'immense fossé qui existe entre les législations qui protègent les femmes - il en existe beaucoup - et leur application qui reste très faible. Je souhaite également que l'ONU femmes s'implique dans la lutte contre les mutilations génitales : trois millions de femmes en sont victimes sur le continent africain chaque année. Cette guerre à la violence faite aux femmes inclut bien sûr aussi le combat contre les trafics de femmes, contre le viol, qui sévit à grande échelle dans les pays en conflit, comme la République Démocratique du Congo par exemple.

Notre deuxième priorité sera d'agir sur les conséquences de la crise. Actuellement, le partage de l'emploi est très inégalitaire entre hommes et femmes sur la planète. Hors agriculture, l'accès des femmes à l'emploi est limité : seulement 31 % des femmes travaillent dans un autre secteur. C'est un pourcentage qui recouvre de surcroît de très grandes disparités régionales (20 % seulement en Asie du Sud et en Afrique). Sans compter qu'il s'agit souvent d'emplois à bas salaires et à temps partiel. La crise a aggravé le problème.

Selon l'Organisation internationale du travail, le chômage des femmes a augmenté plus vite que celui des hommes. Plusieurs millions de femmes se retrouvent privées d'emploi avec des conséquences en cascade. Quand les femmes perdent leur emploi, on voit augmenter le nombre d'abandons scolaires par exemple. De manière générale, qu'il s'agisse de la crise financière, de la crise alimentaire, de celle de l'énergie ou du changement climatique, toutes les crises affectent durement les femmes.

Votre budget de 500 millions dollars est-il suffisant ?

C'est un budget de départ et il faut le considérer comme tel. C'est un minimum et nous avons besoin de bien plus mais nous allons demander aux Etats membres d'augmenter leur participation, de faire un investissement " dans " les femmes.

Les ONG souhaitent que l'agence dispose de ses propres forces sur le terrain. Qu'en pensez-vous ?

D'ores et déjà, l'Unifem est présente dans 80 pays. Ce n'est pas suffisant et je souhaite élargir cette présence. Dans ce sens, je suis d'accord avec les ONG. Mais je souhaite que l'argent aille aux communautés de femmes qui agissent sur le terrain.

Vous avez semblé hésiter à prendre la tête de l'ONU Femmes...

Ce n'est pas une question d'hésitation, mais il fallait que je fasse un choix. Ce n'est pas facile quand vous bénéficiez de plus de 70 % d'opinions favorables dans votre pays ! Les gens craignaient que je les abandonne et je ne veux pas les abandonner. Je serai à New York, ce n'est pas si loin. Et je vais travailler à la cause des femmes, une cause qui concerne aussi les femmes du Chili. C'est un job merveilleux et passionnant.

Propos recueillis par Brigitte Perucca

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