Quelles solutions pour le financement des retraites en Allemagne ? La réforme mise en place en 2007 par le SPD, qui reporte l’âge de départ à la retraite à 67 ans en 2029 est-elle caduque?

Publié le par DA Paris 15

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Les salariés de Volkswagen, à Wolfsburg, manifestent contre la retraite à 67 ans, en janvier 2007 (Petrer Steffen/EPA)

Le Monde a publié dans son édition du 17 août 2010 un article sur la contestation de la réforme de la retraite à taux plein à 67 ans programmée en Allemagne.

En 2007, le ministre du Travail du Parti social-démocrate (SPD) Franz Müntefering fait voter au sein de la Grande coalition SPD/CDU-CSU d’alors une réforme des retraites, faisant passer l’âge de la retraite à taux plein progressivement de 65 ans à 67 ans entre 2012 et 2029, à raison d’un mois par année de 2012 à 2023, et de deux mois par année de 2024 à 2029. Cependant, une « clause de rendez-vous » a été instaurée à partir de 2010, pour étudier la possibilité pour le marché de l’emploi des seniors de supporter la mise en place de la réforme. Avec la crise et 300 000 chômeurs supplémentaires depuis décembre, et un taux d’emploi des 60-64 ans tombé à 9,9% (1,6% pour les professions pénibles comme les couvreurs), le président du SPD, Sigmar Gabriel, s’est engouffré dans cette brèche, demandant de retarder de 5 ans l’entrée en vigueur de la réforme. Florian Pronold, expert des questions sociales du SPD, a pour sa part estimé qu’ « il sera impossible de mettre en application la loi sur la retraite à 67 ans en raison de la forte augmentation du chômage liée à la crise ».

Il faut dire que le SPD, en rédigeant cette loi, a perdu une part significative de son électorat. On considère aussi que la réforme des retraites  a fait perdre au SPD l’élection au Bundestag de 2009, remportée par Angela Merkel, qui s’était alliée au parti pivot centriste, le FDP. Malgré cela, les positions de MM. Gabriel et Pronold ne sont pas partagées par l’ensemble des dirigeants du SPD. Mais elles ont obtenu le soutien des syndicats, dont IG Metall, des Verts, et du parti de gauche radicale Die Linke (« La Gauche »).

Un exemple à méditer pour le Parti socialiste français qui souhaite se réserver la possibilité d'allonger la durée de cotisation à l'horizon 2025... aujourd'hui et en 2025.

De leur côté, les directeurs de deux grands instituts économiques de renom, appuyant les recommandations de la … Commissions européenne Barroso, se sont prononcés pour la mise en place d’une retraite à taux plein à … 70 ans.

Il n’en reste pas moins que la réforme proposée est injuste, la flexibilité en est quasi-absente, rigide, et risque même de ne pas suffire à couvrir les besoins de financements des caisses de retraite, comme le montrent les réclamations des instituts économiques d’un départ à 70 ans….

Elle prévoit, outre le report de l’âge de départ à la retraite à taux plein, une hausse (très contenue) du taux de cotisation, et une baisse (conséquente) du niveau de vie garanti.

Dès 2003, le chancelier Schröder avait réduit le taux des pensions de 70% à 67% du salaire moyen.

Les possibilités de partir à la retraite avant l’âge requis seront limitées à 2 cas : les personnes ayant eu de longues carrières et celles souffrant d’un handicap partiel. Cependant, même ces dérogations seront strictement encadrées : pas de départ à la retraite possible, après 2029, avant 62 ans ; et pas de départ à la retraite à taux plein avant 65 ans. Plus grave : aucune pénibilité n’est prise en compte.

Les personnes les plus pénalisées seront celles qui ne seront pas parvenues à se maintenir en situation d’emploi en fin de vie active. Ainsi, en 2007, moins d’un tiers des nouveaux retraités avaient un emploi stable durant les 3 dernières années qui ont précédé leur départ à la retraite, et autant avaient connu une période plus ou moins longue de chômage. Conséquence : la part des actifs liquidant leur pension de vieillesse en subissant une décote était passée de 12% en 2000 à 60% en 2008.

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La cause de la débâcle du régime de retraite – une subvention de l’Etat fédéral de 80,8 Md€ sera nécessaire en 2010 pour combler le déficit sera nécessaire – est connue : plus que l’allongement de la durée de vie, qui joue ce pendant un rôle – la durée de paiement des pension s’est accrue de 7 ans en 40 ans, portant la durée couverte à 17 ans – c’est la baisse de la natalité qui est montrée du doigt. L’Allemagne est la lanterne rouge de l’Europe. Avec un indice de fécondité de 1,34 enfant par femme, la population a dores et déjà commencé à décroître ( -0,23% en 2009, soit – 200 000 habitants à 81,8 millions d’habitants).

Les mesures lancées par Angela Merkel il y a 3 ans – objectif d’une place de crèche pour 3 enfants en 2013, salaire parental – n’ont eu qu’un effet l’année de la mise en place, en 2007, la construction de crèches ayant été insuffisante, et le salaire parental ayant été écorné par les restrictions budgétaires et étant exprimé en pourcentage du dernier salaire perçu, les femmes ont repoussé le choix d’un enfant pour avoir un meilleur salaire comme base de calcul. Par ailleurs, le modèle dominant reste très conservateur, et une femme avec deux enfants arrête presque toujours de travailler, pression et préjugés sociaux obligent. On voit l’importance de la mise ne place d’un service public de la petite enfance efficace et encadré par des personnels qualifiés et correctement rémunérés, en Allemagne, comme en France.

De nouveaux comportements sont donc apparus : d’une part, les jeunes de 15-25 ans épargnent de plus en plus, notamment pour leur retraite (et les salariés y sont incités, de façon générale), et s’attendent à une hausse des cotisations. D’autre part, la proportion de seniors qui se déclarent prêts à travailler à temps partiel, probablement pour compléter leurs revenus, a fortement augmenté : les 60-80 ans souhaitant travailler sont passés de 1% en 2000 à 25 % en 2010. Par ailleurs, les revenus des retraités du bas de l’échelle se dégradent selon la VdK, la principale association sociale en Allemagne, et il faut selon elle craindre une croissance de la « misère des seniors ».

Structurellement, la solution pour l’Allemagne ne semble pouvoir venir que d’un  redressement des sa natalité ou de la croissance de sa population : il lui faudra de la volonté politique pour choisir entre une immigration massive pour occuper les postes vacants et s’occuper d’une population vieillissante, et une politique résolument nataliste qui bousculera la façon de penser de la société. Aujourd’hui, un Allemand sur cinq a des origines, la plus forte proportion jamais enregistrée outre-Rhin.

L’OCDE déclare :

« À mesure que la reprise économique progressera, le recours aux migrants internationaux comme solution possible aux problèmes engendrés par le vieillissement de la population redeviendra une priorité de l’action publique. »

Daniel Cohn-Bendit ajoutait dans Le Monde il y a 2 jours :

« Dans les prochaines années, l’Europe aura besoin d’immigration en raison de son évolution démographique et de son vieillissement. »

Frédérick Moulin

Publié dans Générations

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