« Stress tests » des banques de l’UE : 92% de réussite, l’Espagne nouveau « maillon faible », suivie par l’Allemagne et l’Italie, résultats très satisfaisants de la Grèce

Publié le par DA Paris 15

Stress test UE bques 26 07 2010

Les banques de l’Union Européenne ont passé, comme leurs consœurs américaines en mai 2009, des stress tests, des « tests de résistance » à divers scénarii défavorables conjugués. Les résultats en ont été publiés vendredi 23 juillet 2010 au soir sur le site internet du Comité des superviseurs bancaires européens (CEBS).

Les stress tests sont partis de la situation des banques au 31 décembre 2009. Deux scenarii très défavorables ont été retenus pour 2010 et 2011.

D'abord, une dépression sévère, se traduisant par une récession en zone euro de - 0,2 % en 2010 et - 0,6 % en 2011, alors que des croissances de 1 % en 2010 et de 1,7 % en 2011 sont prévue par Bruxelles : au total, l’écart s’est élevé à plus de trois points entre les prévisions et le scénario. À cette récession ont été conjuguées une chute de l'immobilier, une hausse du chômage et une inflation de crédits impayés.

Ensuite, une chute de la valeur des dettes souveraines (obligations d’Etat) a été simulée, avec des taux de décote pouvant aller jusqu'à 23 % pour la dette grecque : il s’agissait de simuler une crise de l’ampleur de celle atteinte au plus fort de la crise grecque. Les accords passés pour résoudre la crise grecque ayant rendu très improbable le défaut de paiement – la faillite – d’un pays membre, l’impact du défaut d’un membre de l’Union n’a toutefois pas été analysé dans les stress tests.

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Par ailleurs, les 91 banques ont été sélectionnées, par ordre d’importance décroissant, de façon à couvrir dans chacun des Etats membres de l’Union au moins 50% du marché bancaire en termes d’actifs détenus par les banques : en fonction de la concentration du secteur bancaire du pays, un grand nombre de banques (27 banques en Espagne, 14 en Allemagne) a donc été choisi, ou bien un nombre beaucoup plus restreint. Au total, 65% du secteur bancaire de l’Union a été soumis aux stress tests.

Les sélections ont été effectuées sur une base consolidée ; ainsi les filiales étrangères de BNP-Paribas ont été prises en compte. Ce qui explique que 7 pays de l’Union n’ont eu aucune banque « nationale » testée : les filiales des banques européennes testées dans d’autres pays couvrant déjà au moins 50% du marché de ces pays, aucun établissement supplémentaire n’a été ajouté : Estonie, Lettonie, Lituanie, République tchèque, Slovaquie, Roumanie et Bulgarie.

L’indicateur choisi a été le « ratio « Tier 1 » », qui rapporte la partie la plus solide des capitaux propres des banques aux « emplois » des ressources faits par elles (prêts accordés, portefeuilles d’obligations européennes, …). Le minimum requis par la réglementation bancaire européenne, dite, « Bâle I », est de 4%, mais dans la pratique la plupart des banques visent au moins 7%. Pour les stress tests, il a été décidé qu’une banque avait réussi le test si elle atteignait après impact des scenarii défavorables et à l’issue des deux années 2010 et 2011, un ratio d’au moins 6%.

Les stress tests ont été un succès, 92% des 91 banques testées ayant réussi leur examen, soient 84 banques. C’est beaucoup plus que pour le stress test américain de mai 2009 (52%), jugé pourtant plus facile. Mais les banques européennes ont bénéficié d’une situation plus favorable – et en même temps de scenarii qui cumulent des paramètres plus défavorables.

En effet, les stress tests américains ont été effectués juste après la chute de Lehman Brothers, avant toute recapitalisation et toute aide. Les stress tests européens ont été effectués, eux, après des plans d’aide publique au secteur un peu partout en Europe, après des restructurations, et après des recapitalisations effectuées spontanément, alors même que les Etats maintiennent encore sous perfusion 38 des 91 établissements testés.

D’un autre côté, les scénarii ajoutent, en Europe, une récession en 2010-2011 à une récession déjà passée en 2008-2009, alors que les stress tests américains venaient après plusieurs années de croissance.

Globalement, l’impact des scenarii se traduirait sur les deux années concernées par une perte supplémentaire de 566 Md€. Le scenario hors choc additionnel sur la dette souveraine des Etats Européens ferait passer le ratio « Tier 1 » des 91 banques réunies de 10,3% en 2009 à 9,2% en 2011. Jusqu’au 1er juillet 2010, ce ratio incluait l’aide publique résiduelle à 38 institutions pour 197 Md€, ce qui représente 1,2 point du ratio « Tier 1 ».

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Parmi les 7 banques recalées, une seule banque grecque, et encore sa gestion est-elle moins en cause que sa nationalité. Il s’agit de l’Agricultural Bank of Greece SA (ATEbank). Avec un ratio « Tier 1 » de 8,4% au 31 décembre 2009, et de 8,9% après le premier scenario (récession, chute de l’immobilier, chômage, hausse des crédits impayés), bien des banques européennes pourraient l’envier. Mais voilà, elle a investi dans les « placements sûrs » que sont les obligations d’ordinaire, et étant grecque, dans des obligations grecques, comme les banques françaises investissent avec confiance en obligations françaises. Et son ratio « Tier 1 » passe, suite à la chute simulée de la valeur de la dette souveraine, de 8,9% à 4,36%. Mais cette banque grecque n’est que la cinquième banque par importance sur les 6 testées et ne représente que 6,7% des actifs pondérés grecs soumis aux stress tests.

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Siège de la Cajasur décoré de guirlandes lunineuses pour Noël

Cinq établissements recalés sont des caisses d’épargne espagnoles, dont Cajasur, la caisse d’épargne gérée par l’Eglise catholique mise sous tutelle de la banque nationale en mai 2010 : il lui était difficile d’atteindre un ratio « Tier 1 » de 6%, son ratio de départ au 31 décembre 2009 avant les stress tests étant de 1,8% : le ratio après stress tests s’élève à 4,3%.

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L’Hypo Real Estate Holding AG, en Allemagne, a également été recalée, très impactée par les scenarii avec un ratio « Tier 1 » après impacts tombé de 9,4% à 4,7% – comme son nom l’indique, elle est impliquée dans le secteur immobilier « corporate ». La banque subit une profonde restructuration sous l’étroite direction de l’Etat fédéral, qui l’a nationalisée en 2009, les 2 Md€ devant être injectés attendant le feu vert de Bruxelles : la restructuration en cours n’a pas été prise en compte dans les stress tests.

De fait, par rapport à la limite de 6% fixée pour le ratio « Tier 1 », une recapitalisation de 3 531 M€ sera nécessaire, principalement pour  l’Hypo Real Estate Holding AG, en Allemagne, à hauteur de 1 245 M€, et pour le groupe de « caixas » espagnoles Diada (1 032 M€). Si l’on ajoute la nécessaire recapitalisation du groupe de caisses d’épargne espagnoles Banca Civica – 406 M€ - on atteint 75% des besoins de recapitalisation qui ressortent des stress tests.

Mais la situation est plus complexe : un certain nombre d’établissements bancaires européens est à 6% ou entre 6 et 7% pour le ratio « Tier 1 » après les stress tests ; 7% étant le minimum visé en temps normal par la plupart des banques.

Avec la prise en compte de ces paramètres, la carte des pays à risque de l’Europe s’affine.

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L’Espagne est bien le nouveau « maillon faible », le pays le plus impacté par les stress tests : sur 27 établissements testés, en plus des 5 caisses d’épargne épinglées, il faut ajouter 6 établissements dont le ratio varie de 6% à 6,3%, 3 établissements supplémentaires au ratio inférieur à 7%, et 3 autres à 7%, soient 17 établissements en tout (63% des établissements).

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L’Allemagne a aussi, en plus de l’Hypo Real Estate Holding AG recalée, deux banques dont le ratio « Tier 1 » est compris entre 6% et 7% : la Norddeutsche Landesbank GZ (6,2%) et la banque postale, la Deutsche Postbank AG (6,6%), le problème des Landesbank étant suivi par le ministre des Finances. Il faut aussi noter la situation de la WestLB AG, avec un ratio « Tier 1 » de 7,1% après les stress tests, mais très durement impactée par ces tests, qui ont fait fondre le ratio de 14,4% au 31 décembre 2009 moins de la moitié après stress tests.

L’Italie a elle trois banques au ratio compris entre 6% et 7% après stress tests : Monte Dei Paschi di Sienna, Unicredit et Ubi Banca.

L’Irlande a une banque avec un ratio entre 6% et 7% suite au stress tests, comme le Portugal (à 6,9% toutefois), la Slovénie et la Grèce (Banque du Pirée, 6%, 4ème banque sur les 6 banques de l’échantillon). Les 4 banques grecques restantes ont des ratios post-tests compris entre 7,4% et 10,1%, ce qui est tout à fait satisfaisant.

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La France, où seul le groupe Banques Populaires-Caisses d’Epargne (BPCE) n’a pas fini de rembourser les aides publiques perçues, voit le ratio « Tier 1 » post-tests de son échantillon de 4 banques osciller entre 8,5% (BPCE) et 10% (Société Générale), BNP-Paribas et le Crédit Agricole se situant entre les deux. La crise les a peu affectées et leur portefeuille d’activité a bien résisté aux stress tests.

L’heure est aux critiques dorénavant. Le Monde daté du 25 juillet 2010 estime que 3 erreurs ont été commises, qui pourraient, malgré les résultats très encourageants des stress tests, ne pas ramener la confiance des investisseurs et la normalité sur les marchés :

-l’absence d’échange préalable avec les marchés financiers sur la méthodologie – une des bases de la démocratie participative en somme, inclure dans les discussions tous les acteurs – et l’absence d’explication des tests en amont, contrairement à ce qu’avait fait l’administration Obama – 30 pages publiées deux semaines avant l’échéance ;

-le travail dans l’urgence, avec une annonce en juin que des résultats seraient publiés en juillet, qui a amené des tractations jusqu’au dernier moment sur la forme et le degré de détail des informations publiées, les banques françaises et allemandes détenant d’importantes créances publiques et privées en Grèce – respectivement 52 Md€ et 44,2 Md€ – et ne souhaitant pas détailler par banque ces informations ;

-les distorsions de concurrence non prises en compte entre les banques sous perfusion étatique passant haut la main les stress tests, et les banques non aidées épinglées parce qu’elles étaient recalées ou proches de la limite de 6%.

L’éditorial du Monde daté du 25 juillet 2010 conclut très justement à propos des établissements bancaires européens nécessitant une recapitalisation et du FESF doté de 750 Md€ :

« Ce pourrait être pour eux l'occasion de faire appel à la Facilité européenne de stabilité financière (FESF), créée en mai lors de la crise de l'euro... une manière, cette fois, de "tester" l'Union. »

 

Frédérick Moulin

Europe : 7 banques sur 91 sont jugées trop faibles pour affronter une crise, Le Monde du 25 juillet 2010

Communiqué de presse du CEBS du 23 juillet 2010 (en anglais)

Détail de l’impact des stress tests par banque (CEBS), 23 juillet 2010

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